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L’amendement de Patrick Chaize pour réguler fortement les réseaux sociaux en cas de crise, divise les sénateurs

Alors qu’Emmanuel Macron a évoqué, devant les maires reçus à l’Elysée, la possibilité de « couper les réseaux sociaux » en cas de crise, le sénateur Patrick Chaize a déposé, puis retiré un amendement permettant de supprimer certains contenus dans un délai très court. Sans viser l’adoption de l’amendement, l’objectif est de lancer la réflexion sur le sujet.
Henri Clavier

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L’amendement, déposé par Patrick Chaize, prévoyait la possibilité pour l’autorité administrative compétente de formuler une injonction de retrait de contenu sur les réseaux sociaux. « C’est un amendement d’appel qui visait également à ouvrir le débat sur le sujet » confie Patrick Chaize, également rapporteur du projet de loi sur le numérique. En séance, le 4 juillet, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique, a expliqué être défavorable à cet amendement, notamment à cause de sa vraisemblable inconstitutionnalité. A l’issue du conseil des ministres du 5 juillet, Olivier Véran a annoncé la création d’un groupe de travail transpartisan afin d’adapter le projet de loi et réfléchir à la suppression de contenu sur les réseaux sociaux dans certaines situations.

 « Ce n’est jamais une bonne politique de légiférer à chaud, dans l’urgence »

Forcément, le dépôt et la rédaction de l’amendement suscitent un certain scepticisme parmi les sénateurs. « C’est une réaction à chaud, pour lancer le débat, les émeutes ont engagé ma réflexion » reconnaît Patrick Chaize. Pour le sénateur communiste des Hauts-de-Seine, Pierre Ouzoulias, ce n’est « jamais une bonne politique de légiférer à chaud, dans l’urgence ». Ce dernier constate effectivement le « rôle de caisse de résonance joué par les réseaux sociaux » mais appelle à ne pas se précipiter sur le sujet.

Un avis partagé par Loïc Hervé, sénateur Union centriste de Haute-Savoie. « Je suis totalement hostile à cette mesure » explique Loïc Hervé qui pointe le risque d’adopter dans la précipitation une telle mesure. « Il n’y avait aucun intérêt à adopter l’amendement dans cette rédaction au Sénat, sans avis du Conseil d’Etat, sans avis de la Cnil ça fait quand même beaucoup », détaille le sénateur de Haute-Savoie en rappelant également qu’on « vote la position du sénat sur le texte donc on ne pouvait pas garder cet amendement ». Les sénateurs acceptent l’idée d’une réflexion sur le sujet tout en restant prudent sur le timing de cet amendement, Pierre Ouzoulias rappelant que « chaque année il y a un texte sur la haine en ligne ».

Lancer la réflexion

 « Je propose un groupe de réflexion sur le sujet avant que le texte n’arrive à l’Assemblée nationale », déclarait Patrick Chaize peu de temps avant l’annonce d’Olivier Véran sur la création d’un groupe de réflexion transpartisan. Peu favorable aux mesures restreignant les libertés publiques, Loïc Hervé déclare être « favorable au débat, mais il faut avoir conscience que c’est un sujet majeur ». Potentiel point de clivage au sein de la majorité sénatoriale, Patrick Chaize rapporte un « accueil plutôt favorable dans le groupe LR où on s’accorde pour dire qu’il y a un sujet ».

Ouvert au débat, Loïc Hervé prévient néanmoins que « la majorité sénatoriale, c’est avec le groupe centriste et donc ce n’est pas la position la plus droitière qui l’emporte ». Dans les rangs de la gauche, on accepte également le principe d’une réflexion sur le sujet tout en essayant de bien cadrer le débat et de « l’orienter vers la responsabilité des plateformes pour l’hébergement de contenus problématiques », indique Pierre Ouzoulias. En séance, le sénateur écologiste du Rhône, Thomas Dossus, reconnaissait l’impact des réseaux sociaux sur les jeunes mais avertissait sur les répercussions potentielles de l’adoption d’un amendement permettant d’ordonner la suppression de contenu.

 « Si Marine Le Pen arrive au pouvoir, je ne veux pas qu’elle puisse se servir d’un tel dispositif »

Permettre à une autorité administrative d’ordonner la suppression d’un contenu dans les deux heures génère une certaine inquiétude relative au précédent que pourrait créer une telle mesure. « Le sujet des libertés publiques est trop important pour être traité à la légère. On peut réguler mais il faut être prudent. Si Marine Le Pen arrive au pouvoir, je ne veux pas qu’elle puisse se servir d’un tel dispositif » affirme clairement Loïc Hervé. L’éventualité d’un dévoiement autoritaire d’une disposition de la sorte inquiète également Pierre Ouzoulias qui explique « toujours se placer du côté du pire. C’est-à-dire l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir et il ne faut pas mettre des outils dangereux à sa disposition. Surtout qu’en l’occurrence il s’agit de donner des prérogatives supplémentaires au pouvoir administratif ».

 

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